Cie Greffe
Cindy Van Acker
Dès Kernel (2007), qui distribuait la réalisation d’un mouvement sur un chœur de trois interprètes, Cindy Van Acker a commencé à explorer la manière dont un ensemble de danseur·euses peut être considéré comme un seul organisme. Des compositions qui travaillent selon les pièces sur l’itération mécanique, sur le mouvement animal ou sur la propagation d’ondes immatérielles, tout en cherchant la manifestation de l’humanité dans des décalages individuels, voire dans l’affleurement de gestes émotionnels. On peut suivre ce tropisme au travers de Magnitude (2013), créé pour 22 danseur·euses du Ballet Junior, Anechoic (2014), pièce de plein air pour 53 interprètes ou encore dans certaines parties des Elementen (2016-2017), composés pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève et pour le Ballet de Lorraine.
Depuis 2002, l’artiste est entrée millimètre par millimètre dans certaines organicités impossibles, dis-coordonnées, ré-informant certains attendus anatomiques : elle est descendue dans une lenteur qui finissait par sembler rapide, elle a fissuré l’espace-temps par la suspension, elle a produit du vol avec des ancrages au sol, elle a fait voir le son, vibrer le geste. Son travail insiste là où corps, son, espace et lumière sont traitées comme des matières concertantes, à fusionner. Là où les récits corporels ainsi que les systèmes perceptifs usuels sont ébranlés, floutés, renversés. Pour des mutations qui emportent la danse tour à tour dans des ordres machiniques, végétaux, minéraux, animaux ou cosmiques.
Qu’elle s’intéresse aux significations du mot obvie selon Barthes pour un solo, au transport des charges électriques dans Ion (2015), au futurisme russe pour Zaoum (2016), ou à la peinture de Michaël Borremans pour Speechless Voices (2018), la chorégraphe produit des pièces qui abolissent les frontières entre danse, performance et arts visuels.
La Compagnie Greffe s’identifie pleinement à ce que peut être aujourd’hui une activité d’art contemporain, qui touche à de multiples media, formes et formats. L’exposition Score Conductor (2012), conçue avec Victor Roy, exposait de manière plastique les partitions chorégraphiques de Cindy Van Acker ; la publication Partituurstructuur (2012), sous la direction de Michèle Pralong, croise langage chiffré, danse et poésie ; Le coffret 6/6 (2014) regroupant les films d’Orsola Valenti transpose la danse en extérieur. Tous projets qui confirment les transversalités du geste de création de la chorégraphe.
En 2005, Romeo Castellucci sélectionne Cindy Van Acker pour représenter la Suisse à la Biennale de Venise avec Corps 00:00. Cette première rencontre mène à une première collaboration artistique pour Inferno et Purgatoire de Dante en Avignon (2008). La collaboration s’est poursuivie avec plusieurs opéras : Parsifal de Wagner (2011) à La Monnaie, Moses und Aron de Berg (2015) à l'Opéra Bastille, Tannhäuser de Wagner (2017) à la Bayerisches Staatsoper à Munich, La Flûte Enchantée de Mozart (2018) à La Monnaie, Salomé de Strauss (2018), Don Giovanni (2021) et De temporum fine comoedia (2022) à Salzburg. Dernièrement, ils collaborent sur une nouvelle production du cycle Der Ring des Nibelungen à La Monnaie de Bruxelles, en commençant par le Prologue Das Rheingold (2023), suivi par Les Walkyries (2024).
Cindy Van Acker invite à son tour Romeo Castellucci à collaborer sur sa pièce de groupe Without references (2021). Spectacle radical, la pièce nécessite près d’une année de travail et déploie une dramaturgie interrogeant la pluralité des formes et des durées qui tracent et qui font trace. Crée en pandémie, elle est présentée pour la première fois devant un large public au printemps 2022 à La Comédie de Genève.
En novembre 2023, la chorégraphe est invitée pour l’ouverture du Festival DepARTures de Münich. Elle imagine Sunfish, une soirée d’hommage à Mika Vainio, pionnier de la musique électronique, collaborateur et ami de longue date, décédé en 2017. Sunfish fond en une soirée un assemblage de pièces et d’extraits de pièces existantes, créées avec sa musique.
Cindy Van Acker travaille actuellement avec Victor Roy et les interprètes Daniela Zaghini et Stéphanie Bayle sur sa nouvelle création, Quiet Light. Elle incite le mouvement à la fugue et la lumière au défi de l’espace dans ce duo épuré à la composition méticuleuse. La première de Quiet Light aura lieu le 13 juin 2024 au LAC Lugano Arte e Cultura pour la soirée d'ouverture du festival Lugano Dance Project.
Plus largement, la compagnie Greffe est aujourd’hui à la recherche de nouveaux agencements créatifs. Qui prêtent attention au lien, à la lenteur et à la transmission autant qu’aux questions de transition écologique.