Un jour Christian Lutz m’envoie l’image d’un lieu. Du lieu où il se trouve pour faire la mise en espace de son exposition Insert Coins à Vevey. Ambiance underground, béton, obscure, froid. Je lui réponds : « L’endroit où le concret est capable d’ouvrir l’imaginaire. Il faudrait être seul dedans.» Durant les heures qui suivent, cet espace reste omniprésent dans mon esprit, me hante, fait surgir en moi l’envie de danser. Je lui dis : « Je voudrais y danser. » Je prends en main son livre Insert Coins et je m’inonde de l’univers de ses images incisives. Les mouvements surgissent. Mon corps entre en mouvement, là où je suis. J’y entends la musique de Mika Vainio. Je tiens l’essence du projet qui n’en est pas encore un. Simplement un appel. Un appel libre de toute contrainte de production, du devoir d’écrire des mots avant même d’avoir bougé un bras, de coller des images sur ce qui n’est pas encore. Les images sont là avant toute autre chose. Dans un lieu, ce lieu qui lance l’appel.

Le 20 octobre 2016, je me rends à Vevey, on m’ouvre l’espace et j’y reste quelques heures. Seule parmi les images je mesure l’espace, compte les colonnes, analyse la lumière, danse, Mika Vainio dans les oreilles. Dans les images, la densité d’un état de corps qui dépasse l’être. Fait exploser l’entendement, transperce les codes, manifeste l’urgence de survivre, défie l’humanité. Rencontre, étreinte de tous les éléments. Après cette immersion, je fais surface, si Christian est d’accord, c’est parti. Mon corps se met en route en toute liberté, mue par une ambiance souterraine, un désir illicite. Libre par la sensation d’être clandestine de moi-même, de ce que je représente. J’avance ainsi, dansant sur le balcon de l’hôtel à Orléans, dans la salle de bain, dans mon salon, attendant la disponibilité de passer des heures en solitaire dans mon studio. Aujourd’hui Knusa est là. — CVA